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PRÉFACE

ces bords une éternelle trace du geste civilisateur du pays d’origine, la Belle France…

Ils n’ont pas voulu mourir !… Et le Frère Marie-Victorin secoué dans sa vision par le chant des clochers, regarde courir au travail le petit peuple qui ne veut pas mourir. « Ah ! peuple québécois, pense-t-il, je t’aime d’avoir tant souffert dans tes “arpents de neiges” ! je t’aime, et je le dirai dans un livre à ton image, à celle de la Laurentie, et pour l’écrire, afin qu’il te soit ressemblant, je prendrai les mots de tes fils, les chansons de tes filles, j’y ferai parler les tiens. Et ton rêve qui persiste à flotter sur le fleuve, tout ce qui fait le fond de ton âme patiente, ton miracle dont s’étonne Barrès, je le dirai, parce que je t’aime, ô toi, qui ne veux pas mourir ! »


III


Malgré des qualités de style qui les feront lire et leur assurent la permanence de l’estime littéraire, malgré le pittoresque des sujets, la probité de l’observation, la fraîcheur des sentiments et la couleur de vérité qui les caractérisent, ces Récits Laurentiens, je sens qu’il est juste de le dire, ne donnent pas, du mérite de l’auteur, une suffisante idée. Le Frère Marie-Victorin n’est pas tout entier dans ce livre. Sa personnalité en d’autres écrits, a d’autres coups d’aile, une ampleur que ces pages ne font pas pressentir, et je sais des « Croquis laurentiens », comme ceux d’Anticosti et du Témiscamingue ou, mieux encore, d’admirables pages de géographie botanique, comme « La Flore de Québec »[1], qui retiennent notre curiosité, et dénotent une ascension nouvelle de ce fier révélateur du Canada.

  1. Revue Trimestrielle Canadienne, Montréal, novembre 1918.