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pour tirer tout de suite — histoire de saluer le pays — une grande course sur le chemin !

Tante Phonsine disait :

— Charles Roux sait que vous êtes arrivés ! Il va venir veiller à soir ! Préparez vos réponses ! Il en a des questions à vous faire sur la lune et les étoiles !

Nous nous rengorgions, car véritablement et pour drôle que la chose nous paraisse aujourd’hui, toi et moi, sœurette, nous étions dans le rang de l’église les représentants autorisés de la science divine et humaine. On nous questionnait sur tout : sur la prédestination et le purgatoire, sur la politique et la guerre du Transvaal, sur la lune et la prévision du temps. Il nous fallait prononcer sur tout et, devant nos décisions, tout le monde s’inclinait !… Comme notre étoile a baissé depuis !

Le plus respectueux, le plus affamé de tous nos disciples était sans contredit Charles Roux. Il arriva ce soir-là, comme tante Phonsine l’avait prédit, avec sa veste de coutil sur le bras et son grand chapeau de paille. Tout de suite il n’eut d’yeux que pour nous !… Au travers de la boucane et des gais propos, Charles, qui ne fumait pas et ne riait jamais, déploya toute une diplomatie cousue de fil blanc pour empêcher la conver-