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— Je… Je… Je regardais vos livres, monsieur Charles !

— Ah ! tu regardais mes livres !… tu regardais mes livres !…

Sans me lâcher, il s’assit à sa place accoutumée. J’avais la gorge sèche et je tremblais comme un oiseau serré dans la main d’un enfant !… Charles passait pour avoir des colères noires parfois !… À ma grande surprise, cependant, il me dit d’une voix que je ne lui connaissais pas parce qu’il s’efforçait de la rendre douce et câline :

— Pourquoi viens-tu m’insulter dans l’escalier comme les petits ignorants de par ici ?… Est-ce que je t’ai fait quelque chose ?…

— Oh ! non ! monsieur Charles !…

— Les gens de par ici t’ont dit que je suis fou, hein !…

Et il se pencha un peu vers moi comme pour mieux lire dans ma pensée. J’hésitai, mais à la fin, je répondis franchement :

— Oui, monsieur Charles !


Pourquoi viens-tu m’insulter dans l’escalier comme les petits ignorants de par ici ?

Il me regarda encore, longuement, puis soudain, deux grosses larmes troublèrent ses yeux noirs. Je n’avais encore jamais vu pleurer un homme et je considérais naïvement les pleurs comme des armes défensives, un privilège de