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PRÉFACE

La poésie pour celui qui en a dans l’âme, se trouve sur tous les chemins, et le Frère Marie-Victorin, lui, va la saluer jusque parmi les souches des pays de colonisation, jusqu’en ce Nord plein de lacs et bosselé de montagnes, où se ramifie avec le rail, la hache et les clochers, la volonté tranquille des faiseurs de pays. Et les vies les plus humbles, les plus effacées, lui découvrent, sous leur apparente banalité, le fond humain en ce qu’il a de plus noble et de plus émouvant. L’Âme canadienne en sa foi robuste, apte à l’héroïsme anonyme, au dévoûment sans panache, il en découvre une incarnation touchante dans le colon Lévesque, isolé, avec sa famille, sur l’humus des siècles, dans la mélancolie d’un défrichement de Mont-Carmel. Là, devant des squelettes d’arbres dont les bras noirs hachent l’horizon, il peut saluer la noblesse humaine : une secrète grandeur d’âme méconnue, un défricheur qui se hausse jusqu’à la flamme généreuse d’un saint.

Sa substance littéraire, il la dégage aussi de la Rivière du Nord, et dans sa moisson de pittoresque, il rapporte de Saint-Jérôme, les larmes résignées, mère canadienne, ton cœur vénérable, colon jérômien !

Déchiffreur d’horizons et de vies végétales, le Frère Marie-Victorin, l’est encore de vies humaines, les vies sans relief des villages, et pour les étudier, sa curiosité prend le chemin des maisons, va s’asseoir au foyer de nos gens, se tient aux écoutes, saisit les propos savoureux, les fortes images de la terre, et surprend sur les lèvres des nôtres l’Âme du pays.

Et riche de l’inédit des paysages, du pittoresque des solitudes, riche de la poésie des âmes écoutées, il sait sa richesse, il sent qu’il a touché aux fibres de sa race, qu’il peut en parler avec des mots vrais et fiers.

Après l’enfance, la nature canadienne et l’âme locale, nous venons de le voir, sont pour le Frère Marie-Victorin