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VILLE-MARIE

Devant moi, au creux de la Baie, Ville-Marie se chauffe au bon soleil du bon Dieu. Tout à l’entour le granit monte, s’arrondit en un cirque aux gradins ruinés par les siècles, et où la nature, toujours soucieuse d’harmonie et de couleur, a planté des touffes de viornes blanches, et des kalmias rouges. Enfin, couronnant le tableau, le temps, artiste invisible, a respecté, tout en haut, au bord de l’horizon, les pins demi-morts, plaqués sur le bleu du ciel, et qui présentent encore un bouquet sombre aux baisers de la lumière.

Sur ce fond vierge, quelques notes de brique rouge : le presbytère, l’église, le couvent, l’hôpital ; au centre, un fin clocher d’argent pour accrocher au passage les rayons vagabonds de ce gai soleil d’arrière-printemps. Le village tout entier forme à la lumière intense, un délicieux pastel où le blanc, le rouge et le gris se marient sur la dominante du vert, sous une immense coupole bleue traversée de langoureux nuages qui n’ont pas l’air bien pressés de s’en aller. Je ferais bien comme eux. Mais la pince du canot paraît derrière le cap, puis le large dos d’Émile courbé sur l’aviron. Il triomphe ! Il me montre de loin, au bout du bras, un éblouissant calice cueilli dans une anfractuosité de la Pointe-au-Vent. La brise maintenant pousse le canot vers moi et je reconnais un superbe échantillon, tout frais éclos, du lis de Philadelphie ! Belle trouvaille vraiment