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PRÉFACE


N ’est-ce pas de votre part, mon cher Frère Marie-Victorin, une bien grande imprudence que d’avoir confié au trépidant journaliste que je suis, esclave attaché à la meule du fait-divers et de l’actualité politique, la tâche infiniment honorable de présenter votre nouveau recueil à des lecteurs enchantés d’avance, et impatients de goûter les mets savoureux qu’ils savent bien les attendre à votre table ? Quelle distance énorme entre vos travaux et ma besogne, entre ces « Croquis » ensoleillés autant par les reflets de votre âme, que par ceux des belles scènes canadiennes que vous avez arrêtées en leur course fugitive et fixées en votre livre, telles les plantes utiles et les fleurs odorantes dont vous avez rempli en même temps votre herbier de botaniste ! Que voulez-vous qu’en dise de congru le pauvre écho des chicanes parlementaires à qui vous vous êtes si imprudemment adressé ? Une chose, il est vrai, me rassure et m’affermit un peu, c’est que je vois bien que vous avez voulu suivre, en cela aussi, l’exemple du Divin Pèlerin de Judée, et vous pencher de préférence vers le plus pauvre et le plus dépourvu, afin que l’honneur en fût pour lui plus grand et plus inestimable. C’est dans cette pensée que j’ai acquiescé à votre désir et promis de dire deux mots à votre lecteur, avant qu’il pénétrât dans le palais enchanté que vous lui avez préparé. Dans cette pensée, mais dans une autre aussi, il faut bien que je le dise : c’est qu’à travers votre personnalité, si hautement estimée déjà, d’écrivain patriote et disert, et de savant penché sur l’âme mystérieuse de la nature, j’ai toujours voulu voir d’abord, quant à moi, le frère cadet brillant et favorisé, dont l’aîné suit avec un secret orgueil et une