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CROQUIS LAURENTIENS

Courez en paix, écureuils roux, sur les gazons et sur les branches ! Libres perdrix, gavez-vous du pollen emmiellé des aulnes ! Abeilles besogneuses, frottez-vous les yeux pour chasser les derniers vestiges du sommeil de l’hiver, et ne laissez rien perdre du nectar des trinitaires ! Là-bas, dans la ville bourdonnante, on fait des malles, on emballe des conserves et des chiffons, on graisse des roues et l’on gonfle des pneus. Bientôt les cornes sinistres vous chasseront de vos repaires, écureuils roux ! les lévriers serviles troubleront vos repas, libres perdrix ! la puanteur des huiles, empoisonnera les corolles de vos fleurs familières, abeilles d’or ! Et vous fuirez au loin sur les prés tranquilles quand le trèfle sera venu, ou dans les bois profonds quand le pin fleurira… et vous laisserez ici les pauvres arbres domestiqués, les pauvres fleurs rivées à la terre, et l’eau domptée, harnachée, condamnée à porter des fardeaux, à refléter des toilettes et des ombrelles !…


Suis allé au bois !

Suis allé hier à Saint-Bruno, voir ma mie Printemps ! La neige a quitté la place. La cabane à sucre est cadenassée, mais la tonne oubliée sur le traîneau, et les copeaux frais jonchant les