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CROQUIS LAURENTIENS

S’il faut en croire certaines gens, l’endroit serait entré dans la légende à la suite d’une assez drolatique histoire. La remontée du Richelieu par le premier vapeur fut, on le conçoit, un événement considérable pour les riverains. Mais il paraît que l’exploit n’alla pas sans un remarquable tapage de jets de vapeur et de sifflet, puisqu’un bûcheron, qui travaillait au pied de la montagne, entendant ce bruit étrange, multiplié par la répercussion des rochers, s’enfuit en hâte vers le village en répétant partout que des fées étaient sorties de la grotte et menaçaient de détruire le pays !

De tout temps, la montagne de Belœil a été le paradis des naturalistes de la région montréalaise, des botanistes surtout, aux époques où il y en eut. En petit nombre, amoureux, fidèles, ils viennent chaque année rendre visite aux hôtes silencieux de la montagne. Ils connaissent tous les recoins, suivent les torrents, escaladent les pentes ou dévalent dans les ravins. La sueur les inonde, les moustiques les dévorent, leurs pieds s’écorchent dans la chaussure brûlante ; mais ils ne sentent rien, occupés qu’ils sont à saluer leurs silencieux amis, partout, au creux des sources, sur la mousse des rochers, aux branches des arbustes, sur le sable du lac. C’est ici qu’il faut venir cueillir les étranges sabots d’or que le Moyen-Âge, poète et mystique, nommait si joliment Calceolus Mariœ, sabot de la Vierge ; ici