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CROQUIS LAURENTIENS

autre galet, désert et nu, qui se refermera pour s’ouvrir encore et se refermer toujours… et ainsi pendant des lieues et des lieues.

Aussi s’étonne-t-on lorsque, par un chemin à peine visible sur le roc, l’on débouche à l’improviste sur Saint-Colomban. La petite église de bois, peinte en blanc, est très légèrement posée sur le galet — on dirait une mouette fatiguée — et il semble que rien ne sera plus facile que de la transporter, quand on le voudra, sur un autre galet. Une seule rue, cinq ou six maisons, et c’est tout. À cent pas, les arbres semblent fermer l’horizon, mais c’est le leurre éternel des galets et partout, loin, au-delà, tout près, le granit est roi.

Passé l’église, il n’y a guère qu’une maison, un vieux magasin abandonné, en ruine. On m’a dit son histoire. Elle est touchante.

Saint-Colomban n’est plus, mais Saint-Colomban fut, ou du moins aurait pu être. Au temps où la région du Nord s’ouvrit à la colonisation, ce petit village devint, par sa situation géographique, le quartier-général des colons qui montaient de la plaine laurentienne pour défricher les vallécules, tributaires de la rivière du Nord. Le commerce y florissait. Un brave Irlandais bâtit ce petit poste et y fit longtemps d’excellentes affaires. Sur le galet devant sa porte, le bandage de fer des roues a creusé une ornière qui se voit encore. Les charrettes des colons stationnaient là,