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CROQUIS LAURENTIENS

et qui, depuis trente ans, voient défiler à leurs pieds, la figure changeante et cependant toujours la même, de la fourmi humaine. Songeons que depuis un demi-siècle environ, le traversier de Longueuil est le carrefour flottant où passent, se croisent, se heurtent deux vies, deux activités, la vie grouillante de la métropole, la vie plus saine, mais abondante aussi, de la campagne du sud. Sans doute, le quai de Longueuil n’est plus, comme avant la construction du pont Victoria, le point de convergence de toutes les routes ferrées venant de la république américaine, mais telle quelle, tranquille et déchue, la Traverse présente encore un des aspects curieux de la vie montréalaise.

La charge de foin et la voiture du laitier y frôlent démocratiquement l’auto du touriste et l’attelage soigné du fermier riche. Le fromager de Marieville se range près du maraîcher de la Savane. C’est là aussi, que, sans descendre de la charrette de marché, Célina du Petit-Lac taille une bavette avec Catherine du Coteau-Rouge. À jours fixes, c’est l’essaim bourdonnant des collégiens qui envahit le pont supérieur, et rappelle aux bourgeois sur le retour, leurs frasques de jeunesse. Le premier mai, le bateau est encombré de camions surchargés où s’empilent, pattes en l’air, les trésors domestiques des déménageurs. Enfin, quand vient l’automne, on peut voir les gens des vingt-sept de Sainte-Julie, juchés