Page:Marie-Victorin - Croquis laurentiens, 1920.djvu/306

Cette page a été validée par deux contributeurs.
298
CROQUIS LAURENTIENS

taire ; elle adoucit le vermillon de sa tuque, gagne pour lui des épaulettes, raidit les poils de ses moustaches, lui colle les cils au coin des yeux ; elle tend des pièges sous ses pas, s’embusque au bout des rameaux verts pour le souffleter, et, quand il est passé, se hâte d’effacer la trace ovale des raquettes. Mais surtout, elle remplit les nids déserts : nids de crin, nids de mousse, et elle ensevelit sans retour l’amour et les chansons de la saison passée, la neige qui tombe, muette et blanche, sur nos grands bois !…


III


La neige tombe, muette et blanche, la neige
tombe sur nos champs !


La neige endort en les touchant, les mille vies de l’herbe. Elle obture les sombres galeries où, dans des attitudes hiératiques, les chrysalides accomplissent leur rite mystérieux ! Elle met en vigueur les clôtures de cèdre gris qui se hâtent, sans jamais y atteindre, vers un horizon toujours pareil. Elle efface sur le ciel pâle la flèche des girouettes, la ligne oblique des brimbales. Elle encotonne les squelettes des verges d’or chevelues, mortes au dernier baiser du soleil caduc, et cache sous un domino d’hermine les croupes blafardes des rochers erratiques.