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BRION

étangs. D’ailleurs, Paul à Jean, debout sur un buttereau, nous annonce, le bras tendu comme un prophète, la chute imminente du soleil ! Le phare, allumé déjà, provoque la nuit montante et semble nous appeler. Il faut partir. Mais de ces minutes délicieuses égrenées sur les « passées et allures » de Jacques Cartier, j’emporte une image très vive du rude marin, errant sur la dune de Brion, avec, entre ses doigts calleux, un bouquet de roses incarnates, de canneberges « blanches dessus » et de spiranthes « de bonne et forte odeur. »

La nuit a été belle et claire et les grands pinceaux lumineux émanant du phare sont venus, chaque minute, jouer dans la cretonne de nos rideaux. La mer, cependant, n’est pas assez plane ce matin, pour nous permettre d’atteindre le Rocher-des-Oiseaux. Faisons-en tout bonnement le sacrifice, et employons la richesse de nos quatre ou cinq heures de liberté à faire, par les falaises, notre tour de Brion.

Le pied porte d’aplomb sur le tapis de camarine de l’étroite prairie qui court en corniche sur le haut rivage, table toujours mise pour les corbijeaux gris qui viennent y becqueter les goules noires, en jouant de l’aile contre le vent. C’est un enchantement de marcher ainsi entre la