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CROQUIS LAURENTIENS

Les mains bien jointes sur le coin de la table, Pierre d’Iberville ne voit plus le crucifix, ni l’estampe de la Benoîte Vierge… Il est déjà sur les flots bleus, flamme à la drisse, courant les léopards !…




La Traverse


La traversée de Longueuil à Montréal, ou vice versa, peut évidemment paraître la chose la plus banale du monde aux Longueuillois de vieille date qui font ainsi la navette, chaque jour, et durant huit mois de l’année, depuis leur enfance. Pour beaucoup d’autres, cependant, pour les étrangers, pour les gens de l’intérieur des terres, et qui n’ont pas vu la mer, elle présente une pointe d’agrément et un brin d’inédit.

Mais surtout, pour une multitude de petites gens de la grande ville, pour la foule noire enchaînée dans la puanteur des usines et la fièvre des comptoirs, c’est le voyage idéal et rêvé qui fait patienter six jours de la semaine, et qui, pour cinq sous, donne quelques bonnes heures de soleil, de fraîcheur et d’oubli. Simples promeneurs, cueilleurs de fraises ou de cerises à grappes, chasseurs d’improbables perdrix, ou fervents de la