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CROQUIS LAURENTIENS

De temps en temps, nous couvrons nos yeux de nos mains et tâchons de percer l’horizon de mer, mais Édouard à Léon, le malheureux, reste toujours une simple probabilité !

Peut-être ne sommes-nous pas assez haut, ici ?… Nous laissant glisser d’un trait au bas du buttereau nous gagnons au pas de course le Cap-Nord. Et maintenant, commodément assis au sommet de la demoiselle, sur un épais feutrage de camarine, nous nous exerçons à la patience, tâchant d’atteindre au degré héroïque des Madelinots qui, depuis une semaine, silencieux, appuyés sur le poêle, attendent sans une plainte le beau temps et le maquereau, pendant que leurs vivres et leurs ressources se consument rapidement et sans profit.

Un moment, Paul Hubert redresse sa haute taille et, par-dessus la mer écaillée de vagues, regarde les falaises sanglantes de Brion qui barrent l’horizon du nord.

— Anne, ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir ?

— La mer est déserte comme au lendemain du déluge !

Recouchons-nous sur la camarine, et l’œil dans le bleu, suivons les évolutions des esterlais qui criaillent au-dessus des grès fouettés par la mer !…