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LA GROSSE-ISLE

verons bien quelqu’un pour transporter nos bagages à la Maison du Gouvernement où doit nous attendre Édouard à Léon, courrier ordinaire de Sa Majesté le Roi entre la Grosse-Isle et Brion.

Tandis qu’Edmond à Ben, histoire de s’en retourner, débouchonne l’hélice une fois de plus, Paul Hubert va à la découverte, et pour nous distraire, nous regardons les petites épinettes griffues pleurer de tous leurs rameaux sur le flanc noir de la Grosse-Isle.

Victoire !… Un chapeau melon, velouté par la pluie, passe lentement derrière les vernes, et bientôt un jeune Anglais, émergeant du taillis, pousse bravement sa charrette à l’eau et vient opérer notre sauvetage, celui de la malle aux spécimens et de l’informe carton — œuvre de génie dans les circonstances — arche du salut où, pour les soustraire à ce déluge, nous avons embouveté nos chapeaux, comme chez nous, au printemps, en fermant la cabane, on faisait des chaudières à sucre !

La charrette surchargée cahote lentement sur la boue de la grève, puis sur le pontage jeté à travers des laiches brunes et des renoncules d’eau du grand marais saumâtre qui sépare la Grosse-Isle proprement dite de son pendant, le Cap-Nord. Au bout d’une demi-heure, trempés comme des soupes, nous sommes à la Maison du Gouverne-