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CROQUIS LAURENTIENS

précipice se creuse sous nos pas, quel panorama magnifique pour nous faire oublier la montée ! Nous dominons la terre et la mer ! Les Ramées et le Golfe tout entier sont à nous, semble-t-il ! Au sud, comme des frégates en ligne de bataille, s’échelonnent toutes les unités du groupe de la Madeleine : la Grosse-Isle et sa grande baie ensablée ; le front chauve du Cap-Nord qui regarde vers Brion ; plus loin, entourant la Baie de Plaisance, le Havre-aux-Maisons, l’Étang-du-Nord et le Havre-au-Ber. Ici, tout près, sur le flanc vert des demoiselles, courent des frissons qui semblent naître de la plage et continuer, dans les pâturins et les rhinanthes, le mouvement de la mer, laissant immobiles deux épinettes épargnées en pleine herbe par on ne sait quel bon génie. Quatre fermes — habitées par des Clarke — que l’on voit sur la verdure, renferment toute la population du Cap-de-l’Est.

C’est d’ici principalement, que les guetteurs viennent, à la fin de l’hiver, fouiller le Golfe, de leurs lunettes, pour découvrir les troupeaux de phoques à la dérive sur les glaces.

Au pied du Cap s’arrondit la Baie-de-l’Est, l’antre des boucaniers, des tueurs de morses, antre désert aujourd’hui, prolongé jusqu’à nos pieds par une lagune saumâtre, où frémissent sous le vent les têtes rousses des linaigrettes arctiques. La face de la lagune est un étonnant