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CROQUIS LAURENTIENS

Le halètement du moteur fut couvert. La terre s’éloigna, nous laissant seuls au beau milieu de la baie. L’illusion grandissante devint bientôt complète. Nous avions rêvé deux siècles d’histoire ! Ce fallacieux incendie, là-bas, c’était celui de Grand-Pré ! Nous étions des proscrits d’Acadie fuyant la baïonnette anglaise, cherchant un rivage hospitalier. Le Cap-aux-Meules, devant nous, était vierge encore, sans doute. À la proue, cette jeune fille qui chantait si clair :

Qu’ils étaient beaux, les jours de notre enfance,
Cher Gabriel, au pays de Grand-Pré !


c’était Évangéline en pleurs, cherchant son fiancé !…

La fête va finir. Ces bons fils se souviennent de leur pasteur et père, souffrant sur un lit d’hôpital et, avant que de se séparer, on rédige un message que le sans-fil tout-à-l’heure portera d’un bond par-dessus la mer, les forêts et les fleuves, jusque dans la chambre du malade, aux pentes du Mont-Royal : « Paroissiens Havre-aux-Maisons réunis école Saint-Joseph Assomption envoient hommages vœux prompt rétablissement. »

Le soleil baisse et rase maintenant le sommet des demoiselles. Un à un, à regret, les cabs-a-