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LE HAVRE-AUX-MAISONS

églises. La Vierge Marie est ailleurs ! Elle est ici, avec son nimbe d’or et son manteau bleu, les pieds sur les volutes blanches du nuage triomphal, prêtant l’oreille de son cœur aux braves Madelinots qui, pour lui plaire, redisent d’une voix rouillée par l’embrun, l’hymne millénaire, congéniale à leur âme simple, dont la prosodie courte et pleine, hausse la mélodie jusqu’à en faire l’une des plus éloquentes supplications dont soit capable le rythme humain.

Amen ! Les vieux ont remis leur casquette. Sur la marche du seuil, Paul Hubert est monté, un peu ému. Parce qu’il a été de longues années sevré de la poésie de ses Îles, il en goûte maintenant le charme subtil. D’autre part, l’étude et les voyages lui ont donné la fierté de race, et c’est plein de tout cela qu’il s’adresse, lui, très jeune, aux gens du Havre-aux-Maisons, ses oncles, ses cousins à tous les degrés, ses frères et ses sœurs, massés devant lui, à ses côtés, sur l’herbe, et jusque sur le chemin. Des femmes avec un bébé sur chaque bras le touchent presque et le regardent avec de grands yeux où il y a un peu d’orgueil. L’orateur ne tarde pas à s’animer sous le feu de tous ces regards qui le couvent : quand le cœur est là, vibrant, et que les âmes rendent un même son, on arrive vite, et sans la chercher, à la véritable et meilleure éloquence.