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CROQUIS LAURENTIENS

croire ! — que les pêcheurs de la Grande-Entrée viennent acheter des tambours au Havre-aux-Maisons. Le marché conclu, on met l’emplette sur la glace de la Baie d’En-Dedans par un fort vent de soroit et… le tambour se rend tout seul à la Grande-Entrée — vingt-deux milles ! Est-ce moi qui ai dit que les Acadiens ne sont pas loustics ?

Sur les champs, devant les portes, sèchent de longs cordages, plusieurs fois repliés sur eux-mêmes, indiquant à la fois le déclin du homard et le voisinage de la mer. Et tout d’un coup, la voilà, la mer, qui étincelle entre deux mamelons, présentant au soleil des milliers de petits miroirs où le vieux beau se reconnaît, s’admire et se multiplie. Nous montons un raidillon, et devant nous se déroule une grande savane broussailleuse parcourue de chemins sinueux qui s’en vont vers les anses de pêche au travers des airelles et des ciriers. L’île du Havre-aux-Maisons finit réellement ici. Au-delà commence la Dune-du-Sud, longue de vingt-deux milles, large d’un mille ou moins, qui se rétrécit graduellement et se prolonge jusqu’à joindre presque la Grande-Entrée. Les lignes de dunes jetées par le vent y alternent avec des dépressions longitudinales devenues, avec les siècles, d’étroites tourbières humi-