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CROQUIS LAURENTIENS

où l’on vit. Or, oyez la curieuse histoire ! Aux îles de la Madeleine il arrive que lorsque les Madelinots ont vingt ans, ils laissent généralement prendre leur cœur dans les filets de quelque jolie Madelinote et que, aimant d’amour tendre, ils s’ennuient au logis ! Un bon soir, en revenant de la pêche, la main sur le moteur et l’œil lointain, le grand gars tient au père ce langage ou quelque chose d’approchant :

— Papa, quand la pêche sera finie, je voudrais demander Aubéline à Alphé. J’ai bien travaillé, hé ! depuis sept ans ? Qu’est-ce que vous pensez de ça ?

— Suis ton goût, mon garçon ! C’est une bonne fille !

— Qu’est-ce que vous pourrez me donner ?

— Tu as toujours été un bon garçon, Fortuné, je te donnerai la moitié de la prée avec le tambour !

Et l’hiver venu, il y a grand mess chez le père Ben. Et quand les pâtés, les tartes, les cakes, les tourteaux blancs sont disparus comme neige au soleil, que les Bassiniers du Havre et les gens de la Vernière sont rentrés chez eux par les chemins de glace sur la Baie de Plaisance, c’est une autre histoire ! Aidé des voisins, le père Ben et son gars décollent le tambour de la maison, mettent sur des rouleaux le susdit tambour que les chevaux ont tôt fait de tirer à