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LE HAVRE-AUX-MAISONS

suis l’origine, la baie atteint le Cap-aux-Meules, un vieux sphinx au front gris, lavé de rouge, portant une calotte verte, d’un vert exagéré, d’un vert de jouet allemand. Sur le flanc d’une demoiselle, tout près du Cap, s’érigent le mât et l’antenne du sans-fil et dans le val, les yeux ne voient qu’un éparpillement de confetti, qui sont des maisonnettes, et des semblants de petits bois qui ont l’air de vouloir rapiécer la robe verte des demoiselles.

Lors des dernières tempêtes, la mer a craché des galets, bousculé de grosses roches, déplacé les bancs de sable, le chemin de l’église est encore obstrué des dégâts de sa colère. Un mouton isolé broute les sablines succulentes poussées déjà dans le cailloutis. Il traverse lentement le chemin et vient paître le long de la clôturette blanche du cimetière, où des croix noires plongent leur pied vermoulu dans la cendre des vieux Acadiens d’autrefois, venus, après une vie errante de misère et de larmes, se coucher ici dans la paix, enfin ! Dans le champ voisin, des vaches pas encore bien réveillées ou déjà soûles, immobiles, regardent toutes du même côté, vers la mer où un pêcheur au loin, tout seul, sonde au maquereau. Autour de la barge, du bleu, du bleu partout, mais du bleu qui n’est qu’un trompe-l’œil et qui, à l’analyse se résout en reflets alternés de noir et de blanc… Mais de peur de les faire crouler,