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CROQUIS LAURENTIENS

Quatre murs de planche brute, sans lambris au-dedans, tapissés seulement, par places, de vieux journaux. Quelques chromos sans cadre, un rameau de sapin bruni, un fusil sur deux clous, une paillasse trop courte — la seule, vraiment, dans ce taudis — jetée sur un lit charpenté à même le mur. À l’autre bout de la masure, sur un poêle bancal et rouillé, un chaudron et une théière sans anse. Au milieu de ce peu de choses, la jeune mère, une vieille, quatre petits enfants, évoluant sans rompre les lames obliques de clair soleil admises par deux minuscules carreaux. On nous avait mis toute la faïence sur la table et quoique je m’attendisse à de la pauvreté, je frémis involontairement à la vue des trois assiettes ébréchées et disparates, et des tasses fêlées que, pour les faire reluire, on avait désespérément frottées. Nous dûmes approcher une boîte et une malle, car il n’y avait qu’une chaise, une berceuse trop basse pour la table et qui était sans doute le refuge où cette femme, avec son enfant sur son sein, goûtait la seule joie que rien au monde ne saurait ravir aux plus misérables et qui n’est jamais aussi pleine que pour celles-là, la joie suprême de la maternité !…

Sans broncher, nous avons avalé l’insipide ragoût, une sauce aux pommes de terre plutôt, où la viande n’existait qu’à l’état de traces. Les tourteaux pâteux, mal cuits, durent passer avec