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L’ÉTANG-DU-NORD

Il y a de cela bien longtemps, un navire chargé de bois de construction fit côte, à l’automne, au Goulet, de la Dune-du-Nord. La cargaison demeura quelques semaines au lieu du désastre. L’hiver venu, les Madelinots, la transportèrent sur la glace jusqu’au Cap-aux-Meules où, l’été suivant, un grand voilier vint la prendre pour la conduire en Angleterre. Le brick mit à la voile par un beau soir de juillet. Mais, à peine avait-il contourné la Pointe-du-Ouest, qu’une effroyable tempête s’éleva soudain, et l’envoya s’éventrer sur la Dune-du-Nord ! Les propriétaires de la cargaison, découragés, renoncèrent à leurs droits, et, d’un commun accord, les Madelinots décidèrent d’employer ce bois à la construction d’une église dont ils avaient grand besoin. L’aubaine était excellente, aussi se mit-on à l’œuvre avec une grande ardeur. En peu de semaines, l’église fut piquée, la charpente liée, les murs debout. On allait couvrir quand, une nuit d’automne, la tempête s’éleva, s’engouffra dans la charpente et la renversa comme un château de cartes.

Grand émoi sur les îles ! Il y avait quelque chose, et ce bois était maudit. On chercha, on causa, on fit parler quelques rescapés. On finit par apprendre que, le matin même du naufrage, au milieu d’une tempête de blasphèmes qui ne le cédait en rien à celle qui rageait sur la mer, le