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CROQUIS LAURENTIENS

et le lit d’algues filamenteuses où dorment pour le moment d’un sommeil bercé, les fins bateaux de pêche dont chaque mât dessine sur l’eau calme, un trait tremblant. Au fond, tout au fond, l’Île-d’Entrée avec sa troupe de demoiselles folâtres qui grimpent les unes sur les autres à l’escalade du ciel bleu. Plus près de nous, à notre gauche, et nous cachant la mer de ce côté, l’authentique Demoiselle du Havre-au-Ber avec ses flancs striés de raies parallèles — les sentiers des vaches — et tout en haut, le vieux mât penché, appariteur traditionnel des légions voyageuses du hareng.

Suivant les heures du jour et les caprices du mirage, le paysage change, s’élargit ou se condense. Tantôt l’Île-d’Entrée paraît énorme et prochaine, tantôt elle se voile et se retire dans un mystérieux lointain. Et quand la nuit, venant sur les eaux, menace de l’étreindre toute, brusquement, sur les hauteurs, jaillit un faisceau lumineux qui, silencieusement, fouille les ténèbres.

L’Île du Havre-au-Ber est étranglée par le milieu, et les deux lobes qui en résultent forment deux paroisses distinctes : le Havre et le Bassin. Bien qu’éloignés de trois à quatre milles du port, les Bassiniers sont plus nombreux que les gens du Havre. La promenade en voiture à travers l’Île ne manque pas de charme, à cause surtout de l’irrégularité des côtes et de la division des terres. Inconnue ici, la monotone succession