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CROQUIS LAURENTIENS

Le vieux Longueuil s’en va ! Les quelques rues anciennes qui serpentaient encore se redressent et s’élargissent. Des cubes de brique rouge s’insèrent sournoisement entre les robustes constructions d’autrefois, bonnes vieilles et patriarcales demeures, faites de la pierre des champs, coiffées de toits français, aux murs percés d’ouvertures cintrées qui sont comme un dernier souvenir de la rosace morte.

Nos vieilles maisons portent alertement, sur leurs flancs de caillou, la patine ambrée d’un siècle qui a vieilli tant de choses. Nos vieilles maisons ont de vieux volets à plein bois, tenus ouverts par des esses rouillées que les gamins font tourner en passant. Nos vieilles maisons ont des marteaux historiés, incrustés dans le chêne indestructible de la porte.

Nos vieilles maisons, bâties au siècle de la conquête, ont une histoire. Elles ont vu les Bostonnais venir et retourner par le chemin de Chambly ; elles ont vu passer les capots bleus des voltigeurs et, vingt-cinq ans plus tard, les tuques rouges des patriotes. Sept ou huit générations ont soulevé le marteau de fer, usé la marche du seuil au pas de leurs allégresses et de leurs deuils, de leurs soucis et de leurs amours. Et les mains sans nombre, mains blanches de femmes, mains tremblantes de vieillards, mains fragiles d’enfants qui, aux innombrables matins