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CROQUIS LAURENTIENS

administratifs. Plus loin, la blancheur de l’église se détache sur les formes mamillaires de la Grande Demoiselle. Les Demoiselles sont deux collines hémisphériques arrondies comme au compas, couvertes d’une herbe rase comme velours, et terminées à pic sur le bord de la mer qui les ronge. Cette particularité des Îles de la Madeleine a son explication dans la structure géologique de l’archipel, reste insignifiant d’une terre disparue, qui unissait Terre-Neuve, la Gaspésie, la Nouvelle-Écosse et l’Île-du-Prince-Édouard, terre de grès rouges ou gris, parsemée de masses de gypse blanc comme neige, et dont l’affaissement a formé le Golfe Saint-Laurent. Ces remarquables profils mamillaires, que l’on rencontre sur presque toutes les Îles et auxquels les géologues étendent le nom des Demoiselles du Havre-au-Ber, sont dus au soulèvement volcanique des grès superficiels. La dent de la mer, jamais en repos, gruge les rochers, entame les demoiselles, dont certaines, au bord des eaux, semblent tranchées d’un coup, par la hache d’un titan.

Pour l’homme — être d’un matin et d’un soir — la nature semble en état d’équilibre, mais les forces aveugles et fatales qui ont détruit cette vaste terre et fait crouler ces montagnes, sont là, à l’œuvre comme au premier des jours, et, grain de sable après grain de sable, n’enseveliront-elles pas toutes ces îles sous le vaste linceul de l’océan ?