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LES MADELINOTS

Savoie, chef-d’œuvre de tortasserie ! Les jeunes gens de la même île réunissent leurs mises et cette vente est, en réalité, une lutte de clochers. Le groupe auquel le pain de Savoie est adjugé — pour une somme qui va quelquefois jusqu’à quatre-vingts piastres — organise immédiatement pour manger sa victoire, une fête de jeunesses qui est l’un des grands événements de la saison.

Il ne reste plus maintenant au programme que quelques dîners, soupers et veillées à l’occasion du carnaval, après quoi le Carême vient rappeler aux Madelinots, en train de l’oublier, le Memento quia pulvis es !

Depuis trois mois, on n’a rien fait qui vaille, ou si peu que rien ! Tout à la douceur du présent on n’a pas songé à l’avenir. On se met courageusement à faire pénitence, car ici les rigueurs de l’Église ne comportent guère d’adoucissements. On raccommode les filets, on arrange les vieilles cages, on en fabrique de nouvelles. Pour économiser le charbon qui baisse, on va chercher de temps en temps, dans la dune de la Pointe-au-Loup ou de la Grande-Étang, un voyage de maigres broussailles. Les pêcheurs qui s’occupent du hareng réparent leurs trappes et remplissent leurs glacières. Enfin, on commence tout doucement à se préparer pour les glaces qui vont ouvrir le cycle séculaire du travail des Madelinots.