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CROQUIS LAURENTIENS

L’absence presque complète de lettres, de cartes de visites, de journaux, donne un caractère particulier à cette époque de l’année chez les Madelinots. Rien que le sans-fil qui donne, soigneusement filtrées, les grosses nouvelles, dactylographiées ensuite pour les sommités de l’endroit. Comme les loisirs sont interminables les Madelinots lisent alors les journaux qu’ils n’ont eu ni le temps ni le désir de déplier durant l’été. Quand ils sont fatigués de lire, ils attellent les traîneaux, se visitent par les chemins balisés de la Baie de Plaisance, du Havre-aux-Basques, de la Baie d’En-Dedans. C’est un joyeux tohu-bohu, un déplacement de familles entières qui vont à la ronde chez leurs parents, et ne rentrent parfois chez eux qu’au bout de huit jours. On se rencontre deux ou trois familles dans les petites maisons, mais la bonne volonté et l’ingéniosité aidant, tout s’arrange ! L’étranger témoin de ces soupers pantagruéliques, où s’anéantissent des monceaux de viande et de tortasserie, ne se douterait pas que ces mêmes hommes, quand vient le temps de la pêche, sont d’une frugalité déconcertante, passant de longues journées au dur travail de la mer sans manger autre chose que du pain sec ou des tourteaux arrosés de thé froid.

Parfois, le gouvernement se souvient des quelques milliers d’électeurs emprisonnés au milieu du Golfe. Il leur envoie alors un brise-