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CROQUIS LAURENTIENS

rent l’œuvre du père Allain. Depuis ce temps, guidés par des prêtres de leur race, les Madelinots n’ont pas cessé d’être dignes de leurs ancêtres, les martyrs de Grand-Pré. Cinq clochers blancs, au flanc des collines vertes, regardent moutonner le Golfe, appellent à la prière, et parlent d’espérance et d’immortalité à ces gens toujours sur l’océan marâtre, et qu’une faible planche sépare seule de l’abîme et de la mort.

Et ils ne parlent pas en vain, les beaux clochers de la Madeleine. Nulle part ailleurs, peut-être, l’Évangile n’est autant vécu au pied de la lettre. C’est que le livre divin, écrit beaucoup par des pêcheurs, s’adapte à leur vie comme un vêtement fait pour eux. Ici, les vieilles vertus n’ont pas fléchi. On ne fait pas au prochain ce qu’on ne voudrait pas qu’il nous fît. On s’aime comme les fils d’un même père qui est aux cieux. On regarde les oiseaux du ciel et les fleurs des champs, et l’on ne s’inquiète pas de ce que demain apportera. Le matin, ayant élevé son âme dans la prière, l’on dit en mettant son suroît : « Allons pêcher ! »… Et quand la mer, prise d’un frémissement soudain, se cabre et hurle, quand la vague se fait bélier pour démolir la frêle embarcation, on regarde la croix, là-bas sur la Butte-Ronde, et l’on dit en son cœur, sans lâcher la barre du gouvernail : « Sauvez-nous, Seigneur, nous périssons » !… On honore son père et sa mère, et