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LA BAIE SAINTE-CLAIRE

la blancheur des enclos, et quand c’est dimanche, la tranche d’or des paroissiens.

Et vraiment, la lumière est la grande richesse et le grand attrait de ce village distribué dans le croissant que ferme, vers l’est, la falaise inclinée du cap Sainte-Claire. Les maisons sont toutes en bois, peintes de jaune brun sur les côtés, gaies et proprettes, disposées avec le souci très français d’éviter la raideur géométrique. Les services de l’administration, la petite église à tour carrée, le presbytère, l’hôpital et la résidence du Gouverneur se groupent autour d’une vaste pelouse rectangulaire qui est la « Place » de l’endroit.

Quand je dis pelouse, ne vous figurez pas un gazon fin, serré, tondu, velouté, comme vous avez accoutumé de les voir dans nos parcs citadins. Loin de là ! D’ailleurs nous sommes en terre boréale et les fines herbes apprivoisées n’aiment guère à villégiaturer si loin. Le tapis de verdure est richement ouvré de capitules soufre de léontodons, d’euphraises dentellières portant point d’or sur gorge blanche, et de petites gentianes bleues frileusement boutonnées jusqu’au cou. Ces fleurettes sont les Esquimaux du monde végétal ; elles aiment dormir un long hiver, et, l’été venu, braver le vent du large, accrocher au passage les lambeaux errants de la brume, et capter les froides perles de la nuit.