Page:Marie-Victorin - Croquis laurentiens, 1920.djvu/143

Cette page a été validée par deux contributeurs.
137
PROFILS D’ANTICOSTIENS

y est, moitié homme et moitié démon, un peu laboureur, chasseur beaucoup, terrible et bon, botté de loup-marin et nimbé de surnaturel !

Un brusque détour et nous dévalons sur le chemin ; Bob reprend son allure pacifique et la voiture roule sur le fin gravier de la route. Voici un ruisseau qui descend vers le château à travers de correctes pelouses et, plus loin, la jolie petite rivière Plantain passe en bondissant sous le rustique pont de bois, faisant des sauts folichons pour atteindre plus vite la mer prochaine. Puis ce sont les brûlés et les taillis, tout glorieux du rose des épilobes et de la neige des anaphales avec, deci delà, dans les feuillages clairs, la croupe ambrée d’un chevreuil.

Derechef, Jean Déry pose les cordeaux sur ses genoux et se retourne vers nous.

— Comme ça, c’est la première fois que vous venez par ici ?

— Oui, et peut-être bien la dernière !

— Comment trouvez-vous ça ?

— Très intéressant ! Et l’air vaut mieux que celui que l’on respire sur le pavé de Montréal.

— Ah ! vous venez de Montréal ?

— Hélas, oui !

— Pourquoi : hélas ?

— Mais, mon cher ! parce qu’il faudra y retourner ! Et vous, êtes-vous né sur l’Île ?