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PRÉFACE

lis à jamais, un peu confus d’y avoir mis tant de temps. Comment oublier jamais ces pages qu’inspire l’immense majesté de la mer et du couchant du jour, où vous avez placé le dialogue si humain du fils du pêcheur annonçant à son père l’intention qu’il a de fonder à son tour un foyer. On rentre lentement au port, à la fin d’un beau jour, le poisson amassé au fond de la barque, et le fils s’enhardit à entamer le sujet, d’une voix que l’on devine gênée et un peu tremblante :

— Papa, quand la pêche sera finie, je voudrais demander Aubéline à Alphé. J’ai bien travaillé, hé ! depuis sept ans ? Qu’est-ce que vous pensez de ça ?

— Suis ton goût, mon garçon, c’est une bonne fille.

Et voilà la noce décidée, dans ce décor dont votre plume seule pouvait fournir la peinture véridique et attachante que vous nous en donnez. À cette noce patriarcale et chrétienne je suis sûr que l’on chantera plus d’une fois la romance mélancolique d’Évangéline, dont vous avez recueilli là-bas les mots simples et attendrissants :

Qu’ils étaient beaux, les jours de notre enfance
Cher Gabriel, au pays de Grand-Pré,
Car là régnaient la paix et l’innocence
Le tendre amour et la franche gaieté
          Évangéline ! Évangéline !
Tout chante ici ton noble nom
Dans le vallon, sur la colline
L’écho répète et nous répond :
          Évangéline ! Évangéline !

Mais j’ai assez gâté le plaisir du lecteur, qui frémit depuis longtemps d’impatience, le pied sur le seuil de la demeure enchantée que vous avez édifiée à son intention. Aussi bien est-on tenté irrésistiblement de tout citer, une fois qu’on a lu telle ou telle des pages nouvelles que vous avez tracées ici à la gloire et à l’amour de la patrie laurentienne, et qui parlent surtout de lieux peu fréquentés et mal connus, de notre