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PRÉFACE

Vos premières années ont été marquées, je crois, de longs et fréquents séjours dans cette admirable région des Bois-Francs, pays des coteaux d’érable et des petites rivières capricieuses, pays que nous avons failli perdre, mais qu’une phalange de vigoureux colons — votre aïeul maternel fut un de ces pionniers — a reconquis à la race.

Nous avons appris par votre savoureux recueil précédent, celui des « Récits laurentiens, » quelle impression décisive et profonde ont laissée en vous ces jours d’enfance vécus au sein de la forte et harmonieuse nature laurentienne. Elle devait vous inspirer plus tard des pages émues et chantantes, où un sens assuré de la Nature éternelle se mêle et se confond avec un amour clairvoyant du rameau français solidement planté dans le sol d’Amérique et arrosé du sang d’innombrables héros. Ce sol, au surplus, vous l’aimez d’une affection filiale autant qu’avertie, et vous nous en présentez avec une science affectueuse et très sûre tous les traits et toute la physionomie, depuis les nobles montagnes « montérégiennes, » selon l’excellente étiquette que vous leur attachez, jusqu’aux forêts, aux rivières, aux plantes, vos chères végétations laurentiennes auxquelles vous avez fait dans votre cœur une place si large que l’on se prend à craindre qu’elles n’envahissent la totalité de ce sol fécond et tendre, et qu’il ne nous reste plus qu’un savant botaniste à la place de l’écrivain délicat et pensif, du peintre précis des vieilles choses et des bonnes gens de chez nous ; du vieux Longueuil, par exemple, « Longueuil-sous-bois, Longueuil-des-barons », auquel vous avez consacré ici même des pages remplies d’une si vivante évocation du passé glorieux qui s’y déroula. Voire, si déjà ce malheur s’était produit, que vous nous ayez délaissés pour ne vous pencher plus que sur vos chers herbiers, qui nous aurait jamais décrit l’âme droite et simple, et la vie attachante de vos « Madelinots » de ces insulaires encore si ignorés et que vous avez lancés en notre cœur, où nous les avons accueil-