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CROQUIS LAURENTIENS

— Ça n’a pas de bon sens, par un vent pareil, opine le grand-père, en secouant sa pipe au cadre de la porte.

Un long silence et la grand’mère reprend d’une voix qui tremble un peu :

— Une piqûre de guêpe, c’est pas pointu comme ça. C’est plutôt une aiguille. Oui ! c’est une aiguille !

Plus de doute, c’est une aiguille qui s’est logée tout entière dans le pied de l’enfant.

Et je vois des larmes perler à tous les yeux. Hier, cependant, tout le monde le grondait, le petit Laurent. C’est un gars de quatre ans, beaucoup gâté par tous, et qui, par conséquent, ne craint plus personne. Il a de qui tenir aussi. J’ai vu son père hier, et, tout en causant, je n’ai pu m’empêcher de remarquer l’énergie des grands yeux noirs dans la figure jeune encore. Ils ont pour ancêtre, ces yeux-là, ce Nicette Dufour, obscur héros de la Monongahéla et de Carillon qui ici même, au Cap-à-La-Branche, enlevait d’un hardi coup de main, à la barbe du général Wolfe, le petit-fils de l’amiral Durrell. Bon sang ne peut mentir et c’est pourquoi, sans doute, Laurent Dufour se campe devant les étrangers, les dévisage d’un œil connaisseur et les questionne sans façon sur le présent et le passé. On l’a tapé devant moi hier, et tout le monde paraissait satisfait. Mais évidemment, on n’est jamais absolu-