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LE PETIT LAURENT

rideaux de point blanc, et décrocher le calendrier sur le mur.

Le déjeuner vient de finir. Il y a des pétaques à semer, mais la maisonnée n’est pas encore en branle. Seul, Laurent, petit-fils du vieux Desgagnés est déjà sur le chemin, insoucieux du grand vent, avec cette belle endurance des enfants d’ici. Il court nu-pieds dans la terre grasse et s’amuse à faire gicler l’eau dans les ornières. Au-dedans, le père Desgagnés, sa pipe allumée, s’est assis sur le banc-lit, les coudes sur les genoux. Il sait que l’histoire de l’Île m’intéresse et recommence à me parler du vieux temps, lentement, avec de longs silences et de fréquentes incursions dans la petite poche où logent les allumettes.

Mais tout à coup, par l’entre-bâillement de la porte de la rallonge, arrivent des pleurs d’enfant. La grand’mère accourt, inquiète ; les grandes filles quittent le plat à vaisselle. Qu’y a-t-il ? L’enfant pleure. On le questionne ; il pleure plus fort. On l’examine, on le retourne pour voir s’il ne s’est pas égratigné ou luxé un membre. Rien. Mais à force d’être au service du cœur, les yeux maternels ont une acuité incomparable, et voilà que la grand’mère vient de découvrir sur le cou-de-pied, un point saillant. Qu’est-ce ?

— C’est une piqûre de guêpe, dit quelqu’un.