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MAIAKISIS

en parlait. Il en rêvait. Il en importunait son supérieur dont l’idée était faite sur l’impraticabilité de toute culture dans le Témiscamingue, — beau domaine pour une réserve sauvage, mais que, selon lui, les blancs n’occuperaient jamais. Cependant, le frère ne se décourageait pas. Dans ses voyages, il avait vu partout, à l’intérieur, de beaux vallons en pente douce et de grands plateaux argileux ; il avait observé la vigueur de la végétation sauvage dans les brûlés, le long des rivières et des ruisseaux, il avait écouté le bouillonnement de la vie dans le sein de cette terre qui ne demandait qu’à s’ouvrir, à produire, à nourrir !

Un matin, dans la pauvre chapelle, le frère Mofette, en quête d’un sujet de méditation, ouvrit son évangéliaire et lut : « Je vous le dis en vérité, si vous aviez de la foi comme un grain de sénevé, vous diriez à cette montagne : Transporte-toi d’ici là, et elle s’y transporterait, et rien ne vous serait impossible » (S. Math. xvii, 19). Il ferma le livre et durant une demi-heure se livra à une oraison fervente, où il y avait de la foi, des montagnes, de la charité, des souches, de la confiance en Dieu et de beaux champs de blé ! Après le déjeuner, il fit venir Pierre et Antoine, deux orphelins sauvages de onze et de douze ans respectivement, adoptés par la Mission.

— Vous prendrez Le Rouge dans la friche et lui mettrez le harnais. Vous irez ensuite cher-