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CROQUIS LAURENTIENS

Maiakisis est le nom algonquin d’un humble frère Oblat que le monde ne connaît pas — parce que le monde ne connaît que ce qui est à lui. Il ne fut rien moins cependant que la cheville ouvrière du vaste mouvement de colonisation qui a ouvert à la race, le pays du Témiscamingue.

Le frère Mofette — puisqu’il faut l’appeler par son nom — est au Témiscamingue depuis cinquante ans bien comptés. Il y arriva avec les premiers missionnaires Oblats qui étaient alors, avec les employés de la Compagnie de la Baie d’Hudson, les seuls blancs sur les eaux supérieures de l’Ottawa. Les sauvages ont atteint la perfection dans l’art si difficile de nommer ou de définir d’un mot. Les Algonquins qui fréquentaient la Vieille Mission, remarquant que le frère se levait avec le jour pour vaquer aux multiples soins matériels de l’établissement, l’appelèrent sur-le-champ Maiakisis, « comme le soleil. » Jamais ils ne sont tombés plus juste. Depuis cinquante ans Maiakisis, en effet, se lève avec le soleil et comme lui, il éclaire et réchauffe les colons, ses frères et ses amis.

Il a bien soixante-dix ans. Une robuste carrure, de larges mains faites aux plus durs travaux, mais surtout une tête puissante modelée par l’ongle de la vie et dont les traits profonds convergent sur des yeux remarquables, des yeux intelligents, malins et doux. Matin et soir, aux heures de prière