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INTRODUCTION.

Ceux qui combinent un nom d’homme, soit, à la mode gallo-romaine, avec le « prétendu suffixe -iacus, soit avec un nom commun tel que cortis, villa, villaie, mons, vallis, campus ».

La première de ces catégories est, dans le département de la Marne, exceptionnellement riche, en raison de circonstances qui paraissent n’avoir pas joué dans celui des Vosges ; nous n’osons insister sur ce que Francos mentionné avec Maireium dans une charte de 1044, peut bien désigner Frain, assez voisin de Marey ; ni sur ce qu’il est tentant de rapprocher de Burgundia le nom de la Bourgonce.

Touchant la seconde, il ne paraît guère indiqué de faire remonter Wisembach à l’époque franque, car on s’étonnerait que ce nom, prononcé Wizambâ dans le pays, n’ait pas subi une romanisation plus marquée ; c’est sans doute sous quelque influence d’outre-Vosges que s’est maintenue une forme assez peu différente de celle qui, plus correctement, traduirait le nom du Blanc-Ruisseau, né sur ce finage ; influence qui ne date parfois que du xve siècle, comme les appellations alsaciennes, depuis francisées, plutôt que traduites, des « Hautes-Chaumes » des Vosges[1], parmi lesquelles Winterau est devenu le nom communal Ventron. Il est plus opportun de mentionner Hurbache, arrosé par la Hure, et Robache, ancienne municipalité réunie en 1791 à celle de Saint-Dié.

Nous nous excusons, s’agissant, non d’un lieu habité, mais d’un cours d’eau — le déversoir du lac de Gérardmer — d’examiner ici le nom de la Jamagne, si voisin de celui de Jamoigne, où l’on a pensé voir la combinaison d’un nom d’homme, Gammo au cas oblique en -on, avec le suffixe -ia[2]. Nous préférons considérer la ressemblance non moins frappante de Gamunnias et de Gamundias, formes qui désignent, la première, en 888, ce village du Luxembourg belge, la seconde, en 706, Sarreguemines ; cette dernière présente, inaltéré, l’élément mund, « embouchure ». De fait, tels Gemünd, où se joignent, dans la régence d’Aix-la-Chapelle, l’Oleff et l’Urft, et Gemünden, où la Saale tombe dans le Main, Sarreguemines est au confluent de la Sarre et de la Bliese, et Jamoigne à celui de la Semois et de la Vierre. Or le site où la Jamagne sort du lac, pour en porter les eaux à la Vologne, s’adapte assez bien à la notion d’embouchure.

Touchant les noms de personnes qui ont, à l’époque franque, concouru à la formation des toponymes, nous renvoyons aux notions d’onomastique germanique résumées au chapitre LII de l’ouvrage posthume de Longnon sur les noms de lieu de la France.

  1. Pierre Boyé, Étude historique sur les Hautes-Chaumes des Vosges (Mémoires de la Société d’Archéologie lorraine, 1900, p. 255-259).
  2. A. Vincent, Les noms de lieux de la Belgique (Bruxelles, 1927, in-8o), p. 86, no 101.