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LETTRES INÉDITES

LETTRES INÉDITES j’ay peu savoir, je vous supplie très humblement, Monseigneur, qu’il vous plese le prendre coume de celle qui n’a jamais acoustumé ny ne sauroit vous celer ou dissimuler ses pensées. Et ce qui m’a fait et fera parler à vous franchement, c’est la seureté que j’ay que vous savez bien que je ne vous dis oncques ny ne diray que vérité, et que vous congnoissez la néifveté de mon cueur et de mon affecsion, et aussy, Monseigneur, que, quoy que je vous mande, vous le tiendrez plus secret que moy mesmes. Cete asseurance m’ouste toute crainte, et me fait vous envoyer ce porteur pour ung affaire qu’il vous dira, à vous seul et à qui il vous plera de luy coummander. Le roy de Navarre n’a ousé envoyer des siens, pour ce que il eust esté seu ; car nous soumes en lieu où nous avons des gens qui savent ce que nous faisons et devinent ce que nous n’avons encores pensé. Mais, Monseigneur, je vous supplie croire que ce que en fait le roy de Navarre n’est que pour le desir qu’il a de s’essayer à vous fere quelque service ; car je ne vis oncques houme avoir millieure voulonté que luy ; et ce que j’en dis n’est point coume sa femme, mais comme celle qui pour son plus grant heur se sent plus que jamais

Vostre très humble et très obéissante subjecte MARGUERITE.

et seur Ms. n° 72.]