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LA SECONDE DAME.

Si longuement tant aymer un trompeur,
Et que l'on dist : c’est un parfait menteur ?
Car en deux lieux
A departy et le cœur et les yeux ;
Ses propos sont à une Dame tieux
Comme il les tient, à l’autre disant mieux.
Dissimuler
Je ne sçaurois l’amour que veux celer,
Que de souvent parler, danser, baller,
A ceste là pour sy bien égaler
Ma contenance
Que jamais nul n’en ayt la congnoissance.
Las, ce ne m’est petite pénitence
Parler à l’une et qu’à l’autre je pense !
C’est bien un bruit
Qu’il vaudrait mieux estre pour luy destruit.
Que tout le Monde en fust au vray instruit :
L’on congnoistroit l’arbre, par un tel fruit,
Rien ne valoir.
Je vous requiers, Terre et Ciel, ne vouloir
De mon Amy pour moy tant vous douloir.
J’ayme bien mieux du tout à nonchaloir.
Et dehors mise
Estre du cœur où cuydois estre assise ;
Et par amour tresferme à jamais prise,
Ne déclarer à nully sa feintise,
Fors seulement