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LA COCHE.

Crainte me print, en luy disant : Vray’ment
Si devant l’œil d’un sy parfait esprit
Failloit monstrer mon trop mal fait escrit,
Vous pourrez bien prendre ailleurs secretaire.
J’aymerois mieux me desdire et me taire,
Car d’empescher sa veüe et son bon sens
Sur mes beaux faits, jamais ne m’y consens.
Les plus parfaits, où n’y ha qu’à remordre,
Liment leurs faits et les mettent en ordre
Premier qu’oser, sans bien les acoustrer,
Devant tel Roy sy sçavant les monstrer,
En craingnant plus de luy le jugement
Que du surplus de tout le firmament.
Moy donc, qui suis des escrivans le moindre,
Et moins que Rien, ne doy je pas bien craindre
Voz bons propos, bien dignes d’estre veux,
Rendre par moy indignes d’estre leuz
Devant le Roy, où ne fault presenter
Rien qui son sens ne puisse contenter ?
Plus le louez, plus de crainte me prend,
Car c’est celuy de qui chacun apprend,
Qui sçait louer le bien en vérité,
Et rendre au mal ce qu’il a merité.
Or choisissez un Juge tel que moy ;
Car, s’il failloit monstrer devant le Roy
Un si tres bas et mal tissu ouvrage,
Je n’aurois pas d’esc rire le courage.