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LA COCHE

En ce poinct seul j’ay consolation,
Car d’espérer jamais plus le r’avoir,
L’ayant laissé, ce seroit grand folie.
Ou il mourra par grand’melencolie,
Ou il fera d’aymer ailleurs devoir.
Las ! s’il en meurt, je perds mon esperance ;
S’il ayme ailleurs, plus à moy ne viendra,
Car, où l’Amour le lyera, se tiendra.
Je congnois bien sa grand’perseverance.
Mort ou aymant, je le perds sans espoir
De le ravoir ; ma perte est toute entière.
Mais vous avez, Dames, d’espoir matiere,
Ce que je veux bien cler vous faire voir.
Si l’une voit les effects accorder
De son amy avecques sa parole,
Je ne la tiens si sotte ne si fole
Qu’elle voulust ses fautes recorder.
A l’autre aussi, l’amy qui s’en viendroit
Luy demander en grande repentance
Pardon en lieu de dure penitence,
Plus de ses maux il ne luy souviendroit.
Or tous ces biens vous peuvent advenir,
Car vous n’avez pas eslu vostre peine ;
Mais moy, je suis de ma perte certaine,
Sans nul espoir qu’il puisse revenir.
Que perdez vous ? Un mauvais et un feint ;
Et moy, un bon, sans vice ne sans feinte.