Page:Marguerite de Navarre - Les Marguerites de la Marguerite des Princesses, t. 4, éd. Frank, 1873.djvu/253

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
241
LA COCHE.

L’on tient qu’il n’est nul plus cruel martyre
Que pour son Dieu d’un propos volontaire
Fuyr plaisir, et en lieu solitaire
Soy separer du bien que l’on desire.
Car le martyr, souffrant cruel tourment
Par main d’autruy, met toute sa science
De soustenir son mal par Patience,
Qui de tous maux est le soulagement.
Vous endurez, par le tort et le vice
De voz amys, en depit de voz cœurs,
Pis que la Mort : ô petites douleurs,
Mises au près de mon grand sacrifice !
Pour vous aymer, celuy ou je me fie
Trop plus qu’à moy, que j’ayme, que j’estime,
Mon bien, mon heur, j’en fais une victime,
Et volontiers pour vous le sacrifie.
Non pas que mort le vueille presenter,
Mais tout vivant, qui m’est plus grand regret,
Sans retenir un seul bien en secret,
Ny d’un seul mal me vouloir exempter.
Avecques luy, tout plaisir je renonce
De voir, d’ouyr, de penser, de parler.
Parquoy d’ennuy (point ne le fault celer)
J’en ay le marc, si vous en avez l’once.
Sa grand’beauté et sa perfection
Entretiendront en moy ceste Amour forte,
Qui n’aura fin tant que je seray morte.