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LA SECONDE DAME.

Jusques au bout
Sans dire rien, ne partie, ne tout.
En son parler je trouve peu de goust,
Car le celer me poise et grefve moult.
Je creveray
Si je me tais : or sus, je le diray.
Mais par douleur pourtant ne mentiray,
Ne point à moy faveur ne porteray.
Car seule suis
Cause du mal que taire je ne puis,
Qui de mon cœur m’a contrainte ouvrir l'huys.
Et mes deux yeux pour en faire conduiz
A devaller
En moy l'Amour tant dure à avaller,
Que garde n’a jamais de s’en aller.
Dont maintz souspirs j’en sacrifie en l’air
De larmes plains,
Dont le Ciel est et de criz et de plaintz
Du tout remply ; tant que montz et lieux plains
Me respondans disent : Tu te complains
A grand raison.
O peu d’Amour, ô faulse trahison,
O grand douceur, mais plus tost grand poison !
O cruauté qui en toute saison
Toute autre passe !
O par trop douce et simulée grâce,
O regard feint, ô cœur plein de fallace,