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LA COCHE.

Soit morte en luy, ainsi que je la sens
Dedens mon cœur plus parfaite et plus vive.
Ces trois ennuys me mettent hors du sens,
Et si ne voy moyen de m’en defaire,
Sinon mourir : à quoy je me consens.
Et n’est ennuy qui tant de mal sceust faire,
S’il est congnu, qu’on ne treuve moyen
Pour quelque peu aumoins y satisfaire ;
Mais mon mal est incapable de bien,
Car je le sens, et n’ay nulle asseurance
Si mon Amy tient ou rompt ce lien.
Si juger veux par tresseure apparence,
Je dis qu’il est rompu ; mais son jurer
Me vient donner du contraire esperance.
Las ! mon ennuy est pour long temps durer ;
Car le suspens de la conclusion,
Qu’il fait d’aymer, me contraint d’endurer.
Son doux parler m’est une illusion,
Qui m’aveuglist sens et entendement,
Et de l’aymer me donne occasion.
Helas ! ses faits parlent bien autrement !
Par eux je voy que de luy suis laissée.
Il dit que non : verité dit qu’il ment.
Par ses effectz ma joye est rabaissée,
Par son parler elle se resuscite ;
Ainsi des deux, sans cesser, suis pressée.
Si grand douleur grande pitié incite.