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LA COCHE


De soulager leur couvert desplaisir
Me contraingnit leur dire en souspirant :
Un mal caché va tousjours empirant ;
Et, s’il est tel qu’il ne puisse estre pire,
Il s’amoindrit quelquefois à le dire.
Moy donc, jugeant par trop apparens signes
Que vous portez le mal dont n’estes dignes,
Je vous requier par l’Amour, qui commande
Sur tous bons cœurs, ottroyez ma demande,
Et dites moy la douleur et la peine
Que vous souffrez, dont chacune est si pleine,
Que sans mourir ne la povez porter.
Si je ne puis au moins vous conforter,
Je souffriray, par grand compassion,
Avecques vous la tribulation.
Vous estes trois, il vault mieux estre quatre,
Et nous aller dedens ce pré esbatre.
Et ne craingnez de privément parler,
Car, comme vous, je promets le celer.
Las, ce n’est pas par doute de secret
Que nous craingnons compter nostre regret,
Lequel voudrions estre par vous escrit ;
Mais nous voyons maintenant vostre esprit
Si paresseux, si fâché ou lassé,
Que ce n’est plus celuy du temps passé :
Qui nous fait peur que la peine d’entendre
Nostre malheur refuseriez de prendre.