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LA PREMIERE DAME.

Puis que tenez
L'opinion que de moy n’apprenez
De trop aymer. Or vous entretenez
Donques tout seul ; plus à moy ne venez
Pour esjouyr
Vostre esperit, cuydant tousjours jouyr
Et de ma veue, et mon parler ouyr.
Car je ne veux plus faire que fouyr
L’occasion
Qui cause en vous si fole intention,
Que si bien tost n’y voy mutation,
Vous en perdrez toute possession.
De plus venir
Là où je suis ny de m’entretenir
Je vous requiers vous vouloir souvenir,
Pour vivre en paix, de plus ne retenir
En vostre cœur
Ceste poison de trop douce liqueur ;
Mais soyez en par grand vertu vainqueur.
Et j’en auray plaisir et vous honneur.
Si ne peult estre
Comme je dis, et que ne soyez maistre
De vostre cœur, or le laissez donc paistre
Où il vouldra, ou de corde ou chevestre
Faire un licol
Et s’estrangler hault pendu par le col,
Monstrant qu’un cœur efféminé et mol