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COMPLAINTE POUR UN PRISONNIER.

De l’affligé me requerant mercy.
Ainsi me soit le cœur inexorable
De qui me tient en ce cry lamentable :
Soit contre moy son courage plus dur
Que les chailloux de quoy feut fait ce mur
Là où je suis contre mon gré venu.
Et longuement prisonnier detenu ;
Ainsi me soit desormais intraitable
Comme autrefois m’a esté amyable.
Mais quoy ? Mon Dieu, quelle est mon infortune,
Quel est le sort de ma triste fortune ?
Ha ! quel ennuy, las ! elle m’a gardé !
De quel aspect m’a le Ciel regardé
Quand suis yssu du ventre de ma Mere ?
Certes je tiens que de cholere amere
Estant alors empris et attiré,
De tout malheur m’a nayssant faciné.
Non, dit l’Esprit, ne croyez pas cela,
Vostre malheur ne provient pas de là.
Le Ciel n’ha pas sur nous telle puissance.
C’est le Seigneur qui par sa sapience
Preuve la Foy qu’avez en sa Parole :
Contentez vous d’estre escrit en son rolle.
Or sus, ma Chair, dy un peu qu’il t’en semble,
Et raisonnons de mon malheur ensemble.
L’Esprit maintient qu’estant tel le vouloir
De l’Eternel, il ne s’en fault douloir.