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préférence la reine de Navarre dans ce pays de Béarn qu’elle choisit pour y achever sa vie, transformant le vieux château de sa petite capitale, et y construisant de superbes terrasses pour admirer longuement les grands spectacles de cette nature qu’elle comprenait si bien !

Vous souvient-il du début de l’Heptamèron et des histoires contées dans « ce beau pré, le long de la rivière du Gave, où les arbres sont si foeillez que le soleil ne sçauroit percer l’ombre ni eschauffer la frescheur » ? C’est une réminiscence de quelque heureuse journée, précieusement recueillie dans la mémoire de Marguerite.

Qu’on se la figure contemplant, des hauteurs que recouvre la ville de Pau, les cimes des Pyrénées, et, des fenêtres du château qui domine le Gave, laissant errer ses yeux au loin dans la vallée ; ou, plus souvent encore, dans la vieille ville de Nérac, si pittoresque avec ses maisons de bois et ses rues grimpantes, promenant tour à tour sa mélancolie et son activité, descendant la ville en amphithéâtre pour suivre le cours de la Baïse, tantôt avec une compagne, tantôt avec quelques amis ; contemplant enfin longuement la rivière sinueuse et les coteaux qui la bordent, de l’endroit même où les beaux arbres de la Garenne ombrageront un jour les jeux de Henri IV enfant. Puis l’heure où le souci des affaires la ramène dans l’antique château d’Albret, détruit aujourd’hui ; elle passe comme une fée à travers les larges salles féodales, et va reprendre sa place accoutumée. C’est dans ce cadre austère et charmant, où elle se plaît, que Marguerite, vêtue d’une cotte noire et coiffée d’une