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Et, terminant cet hymme funèbre par une apostrophe, le poëte invoque la reine morte comme une Muse immortelle. Marguerite fut donc chantée une fois d’une façon charmante. Mais, quelque jolis que soient ces vers, la palme appartient à Charles de Sainte-Marthe pour avoir parlé avec le cœur et trouvé l’éloquence dans sa douleur même : « Combien, s’écriait-il, combien y a-t-il de veuves, combien d’affligés, combien de vieilles gens à qui elle donnoit pension tous les ans, aujourd’huy comme les brebis, mort leur pasteur, sont ça et là escartés, cherchent à qui se retirer, crient aux aureilles des gents de bien, et pleurent leur misérable fortune ?[1] »

Quelles étaient les habitudes et les mœurs de cette femme si rare, si universellement regrettée ?

Trois demeures favorites se sont partagé la vie intime de Marguerite : le palais d’Alençon, où, jeune femme, elle revenait toujours comme vers une calmeretraite, après ses apparitions à la cour de François Ier ; les châteaux de Pau et de Nérac, où on la retrouve plus tard au sein d’une nature vigoureuse et tourmentée. Marguerite n’oublia jamais la bonne ville d’Alençon ; elle y avait laissé une part de sa vie et de son cœur : « Elle vous aimoit parfaitement, ô Alençonnois, s’écrie Sainte-Marthe dans l’oraison funèbre de la reine de Navarre, et n’estoit moins soigneuse de vostre profit que du sien propre ; elle avoit remis en pristine vertu vostre Parlement et Eschiquier ; à l’ayde de Marguerite vous aviez recouvré la liberté qu’aviez perdue. » Mais l’imagination voit de

  1. Oraison funèbre de la royne de Navarre. (Paris, 1550. — Publiée d’abord en latin sous ce titre : In obitum Margaritæ , etc., Oratio funebris, in-4o,)